🔎Déficit attentionnel, TDA/H ou conséquence d’un traumatisme ? Un enjeu de diagnostic essentiel
- Delphine Bessière
- il y a 5 jours
- 5 min de lecture
Lorsqu’un enfant présente des difficultés d’attention, d’agitation ou d’impulsivité, les premiers mots qui surgissent sont souvent : TDA/H.Pourtant, de plus en plus d’études montrent qu’une partie de ces difficultés pourrait être liée non pas à un trouble neurodéveloppemental pur… mais à l’impact de traumatismes vécus dans la petite enfance, y compris lors de la naissance.
L’objectif de cet article est simple :comprendre pourquoi traumatisme et TDA/H peuvent se ressembler, comment les distinguer, et pourquoi il est essentiel de regarder l’histoire complète de l’enfant.
1. TDA/H et traumatisme : deux réalités, des signes très proches
Le TDA/H (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) est un trouble neurodéveloppemental reconnu, largement étudié, avec une forte composante génétique. Il se manifeste par :
une inattention persistante,
de l’agitation,
de l’impulsivité.
Mais le traumatisme psychique, qu’il soit aigu (accident, hospitalisation d’urgence, violences, rupture brutale) ou répétitif (négligence, insécurité chronique, violences verbales), peut provoquer exactement les mêmes signes.
Pourquoi ?Parce que le cerveau de l’enfant, lorsqu’il a vécu un stress majeur, bascule dans deux modes possibles :
hypervigilance : il surveille tout, tout le temps → agitation, sursauts, difficultés à se poser.
dissociation : il se « déconnecte » pour se protéger → rêveries, absence, lenteur, difficultés à écouter.
Ces deux réponses peuvent imiter parfaitement un TDA/H, d’où de nombreuses confusions diagnostiques.
2. Naissance difficile, prématurité, complications : quel lien avec l’attention ?
La période périnatale joue un rôle plus important qu’on ne le pense. Plusieurs travaux montrent que :
les complications obstétricales,
la prématurité,
la détresse néonatale,
les soins invasifs en néonatalogie
ou une séparation précoce mère-bébé
peuvent augmenter le risque de difficultés attentionnelles.
Ici, on parle autant de facteurs biologiques (immaturité cérébrale, stress physiologique) que psychiques (insécurité, absence de cocon relationnel, vécu traumatique parental).
Ce n’est donc pas “la faute” de la naissance, mais un facteur de vulnérabilité que le cerveau compense comme il peut.
3. Quand le traumatisme est confondu avec un TDA/H
Les études montrent des chiffres parlants :
Une partie des enfants diagnostiqués TDA/H présentent en réalité un traumatisme non identifié.
Dans certaines cohortes d’enfants traumatisés, jusqu’à 23 % remplissent les critères du TDA/H.
Chez des enfants avec TDA/H et troubles du comportement, plus de 90 % ont vécu un événement traumatique marquant.
Autrement dit :beaucoup d’enfants catalogués “distraits”, “oppositionnels” ou “agités” sont en réalité des enfants qui ont peur, qui survivent, ou qui tentent de se protéger.
4. Comment différencier TDA/H et traumatisme ?
Il n’y a pas de règle magique, mais plusieurs indices aident :
🔎 Le contexte
TDA/H : symptômes présents dans tous les environnements.
Traumatisme : symptômes contextuels, amplifiés par certains lieux, personnes ou situations.
🔎 L’histoire de l’enfant
On retrouve parfois :
naissance difficile,
hospitalisation,
séparation,
violences (directes ou indirectes),
événements imprévisibles vécus comme menaçants.
🔎 Le corps et les émotions
Le traumatisme laisse souvent des traces dans :
le sommeil,
les cauchemars,
les somatisations (ventre, tête),
les sursauts,
les phases de “déconnexion”.
5. Les deux peuvent coexister
Important :Un enfant peut avoir un vrai TDA/H et avoir vécu un traumatisme.Les deux dimensions s’entremêlent et nécessitent un accompagnement adapté.
Un diagnostic juste change tout :
le traumatisme nécessite un cadre qui sécurise, un travail sur l’émotionnel et parfois sur le corps ;
le TDA/H nécessite une compréhension neurodéveloppementale, des aménagements pédagogiques et parfois un traitement.
Oublier l’un ou l’autre, c’est passer à côté des besoins de l’enfant.
6. Pourquoi une évaluation approfondie est essentielle
Pour éviter les erreurs, les professionnels recommandent de toujours examiner :
l’histoire périnatale,
les événements de vie,
le contexte familial,
la présence possible de trauma,
les signes d’hypervigilance ou de dissociation,
les manifestations corporelles.
Un diagnostic respectueux de l’histoire de l’enfant n’est pas seulement plus précis :il est plus juste et ouvre vers un accompagnement réellement adapté.
Conclusion
Les difficultés attentionnelles ne racontent jamais la même histoire.Derrière une agitation, une impulsivité ou un manque de concentration, il peut y avoir :
un cerveau au développement singulier,
un cerveau en alerte,
ou un peu des deux.
Prendre le temps de comprendre, de relier, d’écouter le vécu et la naissance, c’est offrir à l’enfant un accompagnement qui respecte son histoire et son humanité.
📚 Références françaises (ou francophones) sur TDAH & trauma / stress / maltraitance
Référence / Source | Ce qu’elle apporte / intérêt |
Haute Autorité de Santé (HAS) — « Trouble du neurodéveloppement / TDAH : diagnostic et interventions thérapeutiques auprès des enfants et adolescents » (2024) Haute Autorité de Santé+1 | Rapport officiel français récent qui rappelle la complexité du TDAH, l’importance d'une évaluation rigoureuse et, indirectement, la nécessité de bien explorer l’histoire de l’enfant avant diagnostic. |
Cairn.info — article « Maltraitances et trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité » Cairn.info | Étude/revue de littérature francophone qui aborde explicitement le lien entre maltraitance / négligence et TDAH — utile pour sensibiliser à ce volet dans un contexte francophone. |
Institut universitaire de justice et de démocratisation (IUJD) — « Trauma complexe et TDAH » (document PDF / étude) iujd.ca | Document explicatif (en français) qui recoupe données empiriques et réflexions cliniques sur la co-occurrence trauma / TDAH chez enfants et adolescents. |
Article grand public / ressource pédagogique en ligne — « Le lien entre traumatisme et TDAH » (site psychologue.net) ** psychologue | Texte accessible pour des parents ou des professionnels non spécialisés, très utile pour vulgariser le sujet à ton audience. |
Ressource de santé mentale jeunesse — « Negligence, maltraitance et conséquences sur le développement et le comportement de l’enfant » (recension 2019) ** sante-mentale-jeunesse.usherbrooke.ca | Revue d’études scientifiques sur les effets des négligences/traumatismes sur le développement — contexte utile pour montrer l’impact à long terme, même sans diagnostic officiel. |
Article / ressource grand public — « Traumatismes et TDAH : pourquoi cette confusion est fréquente » (site de psychologues cliniciens) ** Montpellier Psy | Témoignage/présentation clinique en français, permet d’aborder les impacts du trauma souvent ignorés dans les diagnostics de troubles de l’attention. |
📚 Ressources & bibliographie — Pour aller plus loin
National Child Traumatic Stress Network (NCTSN) & CHADD — Is It ADHD or Child Traumatic Stress? A Guide for Clinicians (2016) : un guide pratique pour aider à distinguer un trouble attentionnel d’un stress traumatique. nctsn.org
Examining the Nature of the Comorbidity between Pediatric ADHD and PTSD — étude pionnière comparant des enfants avec TDAH, avec ou sans antécédent de traumatisme. Montre les risques accrus de dysfonctionnements psychosociaux quand PTSD et TDAH co-existent. PMC
Childhood trauma in adults with ADHD is associated with higher risk of comorbid disorders (2022) — montre l’importance de l’histoire traumatique dans de nombreux cas d’ADHD à l’âge adulte. PubMed
The Relationship between Childhood Traumas, Dissociation and Impulsivity in Patients with ADHD (2017) — explore le lien entre traumatismes infantiles, dissociation, impulsivité et symptômes d’ADHD. psychiatry-psychopharmacology.com+1
A Mediated Model of PTSD Between ADHD Symptoms and Problematic Alcohol Drinking (2025) — étude récente suggérant que, dans certains cas, des troubles d’attention/impulsivité pourraient être médiés par un trauma + stress post-traumatique, ce qui influe sur des comportements à risque. ScienceDirect
TDAH : Diagnostic et interventions thérapeutiques auprès des enfants et adolescents — un rapport français récent qui souligne la complexité du lien entre traumatisme, attachement et TDAH, et appelle à la prudence dans le diagnostic. Haute Autorité de Santé
Associations between abuse/neglect and ADHD from childhood to adulthood (2018) — une grande méta-analyse montrant que les antécédents de maltraitance ou négligence pendant l’enfance sont significativement plus fréquents chez les personnes diagnostiquées ADHD. ScienceDirect



Merci de votre article, dommage que sur la conclusion vous n'apportez pas les solutions pour des enfants qui vivent des traumatismes.